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Villa Wollemborg, quelle belle histoire !
Nous nous promenons dans le parc romantique pendant que le guide nous parle de l'économiste philanthrope qui a fondé la première Cassa Rurale d'Italie.
Où se trouve
Même la Vénétie, à l'époque de la Gaule cisalpine, avait sa propre Via Aurelia... tracée par le consul Claudius Aurelius Cotta, elle partait de Patavium (Padoue) et montait tout droit jusqu'à Acelum (Asolo). Plus ou moins à mi-chemin, elle s'arrêtait à Laurelia, l' actuelle Loreggia, dont les origines sont donc significatives. La route consulaire se reflète aujourd'hui dans la Strada del Santo qui, de temps en temps, réserve encore des paysages ruraux d'une beauté ancienne, la mosaïque de terres cultivées délimitées par des ruisseaux et des rangées de cyprès.
La Villa Wollemborg apparaît au-delà de la courbe d'un canal, entre les haies de buis et les cyprès du jardin italien ; à l'arrière-plan, le parc romantique, au-delà duquel s'étendait autrefois un grand domaine agricole. Un bâtiment important, dans lequel on peut reconnaître des signes de la première phase de construction du XVe siècle, lorsqu'il était flanqué d'une tour-pigeonnier. C'est l'époque où la République vénitienne commence à considérer le continent comme le cadre d'une floraison économique et architecturale qui prendra les contours d'une véritable civilisation de villas.
L'histoire de la propriété de Loreggia est liée d'abord à la famille Polcastro, à laquelle succédèrent les Querini Stampalia, autre nom de la classe supérieure de la Sérénissime, qui cédèrent enfin la place à la famille juive Wollemborg, allemande d'origine et padouane d'adoption. Les amateurs d'événements fictifs y trouveront leur compte, d'autant que le professeur Marconato, historien de l'Alta Padovana et ancien maire de Loreggia, est plus une sorte de divinité tutélaire du lieu qu'un guide.
Au-delà des intrigues familiales, la villa est indissociable de la figure de Leone Wollemberg (1859-1932), l'une des personnalités les plus marquantes de l'Italie des XIXe et XXe siècles : de brillantes études de droit à Padoue, mais surtout une vocation précoce pour les activités philanthropiques qui lui valurent la médaille d'or de l'Exposition universelle de Paris en 1889 et la nomination comme commendatore de l'Ordre des Saints Maurice et Lazare en 1901. On se souvient surtout de son nom pour la fondation en 1883 de la première Cassa Rurale d'Italie, précisément à Loreggia, à l'exemple de laquelle ces institutions de crédit coopératif bien méritées, pour la première fois proches des besoins du monde rural, se sont ensuite répandues dans tout le pays.
En économie, on parle d'"ascenseur social" pour désigner le processus qui permet aux individus d'améliorer leur statut social, et d'"accès au crédit" comme l'un des facteurs déterminants pour déclencher ce progrès souhaitable. Pendant des siècles, cependant, contracter un prêt signifiait s'exposer au risque d'entrer dans la spirale délétère de l'usure. Dans les villes du Moyen Âge, ce sont les "monti di pietà" qui ont endigué le fléau du crédit à des conditions déloyales. Vers la fin du XIXe siècle, en revanche, en ce qui concerne les spécificités du monde rural, ce sont les banques rurales qui offrent des prêts à long terme et à faible taux d'intérêt aux paysans, lorsqu'il s'agit, par exemple, de racheter une ferme, de passer du statut de métayer à celui de propriétaire de sa propre exploitation.
La fondation de la Cassa Rurale di Loreggia fut pour Leone Wollemborg la première étape d'une brillante carrière politique : en 1892, il fut élu à la Chambre des députés, représentant la circonscription de Cittadella, et en 1901, il fut même ministre des finances du Royaume d'Italie dans le gouvernement Zanardelli. "La politique ne doit être pour personne un moyen de faire carrière" - ce sont ses paroles lors d'un rassemblement - "mais une dure milice, dans laquelle il faut apporter beaucoup de feu d'amour et beaucoup d'étude de pensée".
Toujours proche du monde rural, Wollemborg se souvient surtout de la loi sur la "quinine d'État", substance qui, distribuée dans les salines et les bureaux de tabac, s'avéra fondamentale dans la lutte contre la malaria qui, à l'époque, faisait des milliers de victimes même en Vénétie. Cependant, frustré dans la mise en œuvre d'importantes réformes économiques, Wollemborg préfère se retirer de l'arène politique. Son nom reste plutôt lié au monde du crédit coopératif, à tel point que le point culminant de sa carrière d'économiste philanthrope est considéré comme la fondation, en 1909, de la Federazione Italiana delle Casse Rurali (Fédération italienne des banques rurales), qui opère encore aujourd'hui, bien que sous un autre nom.
La villa conserve une charmante atmosphère du XIXe siècle, mais la partie la plus agréable de la visite est la promenade dans le parc qui forme sa toile de fond. Il a été aménagé par Giuseppe Jappelli (1783-1852), que les amateurs connaissent comme l'un des grands noms du jardin romantique, mais dont on se souvient aussi de cette étrange merveille architecturale qu'est le Caffè Pedrocchi à Padoue.
La main de l'architecte se manifeste tout d'abord dans la régulation magistrale des eaux de la Rustega qui encadrent le parc, offrant, entre autres, le frisson d'une promenade pittoresque à travers un bosquet de bambous. C'est l'occasion d'apercevoir un martin-pêcheur qui s'élance sur l'eau comme un éclair irisé.
Les amateurs de botanique s'attarderont devant certains arbres monumentaux, comme un Sophora japonica centenaire, dont les branches pendantes forment une sorte de dôme végétal. Le sentier pénètre dans la forêt et atteint un temple néoclassique, accessoire indispensable des jardins anglais, qui abrite ici la dépouille mortelle de Leo Wollemborg.
Puis, de l'ombre du souvenir, on passe au plein soleil de l'ovale herbeux qui s'ouvre au centre du parc : un galop, ou cavallerizza, sa fonction probable, mais aussi un élément révélateur de ce clair-obscur d'inspiration maçonnique typique des jardins de Jappelli. Un exposé intriguant, que le professeur Marconato se fera un plaisir de développer...
La visite terminée, il ne reste plus qu'une dernière chose à dire. Parmi les mérites de Leone Wollemborg figure en effet la promotion de la ligne ferroviaire Ostiglia-Trévise, un ouvrage public qui, avec une longue ligne diagonale, aurait relié la commune lombarde sur le Pô à la ville vénitienne, en réseau avec les principales villes du Nord-Est. Le nouveau chemin de fer avait sa raison d'être dans le cadre stratégique du Nord-Est en cas de guerre avec l'Autriche, mais Wollemborg le défendait aussi parce qu'il aurait desservi le territoire de l'Alta Padovana qu'il représentait au Parlement avec une gare dans sa propre Loreggia.
En termes d'actualité, il est intéressant de noter que la voie ferrée, désaffectée dans l'après-guerre, a trouvé un nouvel avenir en tant que piste cyclable et piétonne. Parmi les destinations faciles à parcourir depuis Loreggia : la Rotonda di Badoere, surtout les dimanches de marché artisanal, ou la zone naturelle des sources du Sile, à partir du pittoresque moulin de Cervara. L'un des plus beaux passages, la passerelle sur la Brenta, prolonge le regard vers les séduisantes petites plages dessinées entre les saules.
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