La Chioccia d'Oro

Le jeune homme se réconforte en faisant un signe de croix et poursuit son chemin. Mais voilà qu'un moine vêtu d'une soutane noire et d'un étrange couvre-chef s'approche de lui. "Quelles drôles de rencontres ce soir", murmura le jeune homme. "Où ira ce moine par une nuit d'orage ? Ils étaient maintenant tout près, mais le jeune homme n'entendit aucun bruit de pas. Le vent, qui était impétueux, ne faisait pas bouger la soutane noire et même l'eau semblait glisser sur le frère sans le mouiller. Il avançait droit et sûr dans la tempête, sans même se pencher contre le vent. " Mauvaise nuit, mon père", balbutia le garçon. Il n'y eut pas de réponse, et l'air sembla se refroidir tandis qu'une étrange phosphorescence éclairait un instant la silhouette sombre. Le jeune homme se retourna pour mieux voir, mais le frère avait disparu. Toutes les histoires des fantômes qui habitent les tours éparpillées sur les collines de l'Uccellina lui revinrent à l'esprit et il se mit à courir pour sauver sa vie.

Il arriva enfin à la tour de San Rabano. Il s'apprêtait à allumer le feu lorsque, au-dessus du bruit de la pluie et du vent, il entendit un gazouillis et un gloussement qui le stupéfièrent. Mais il y trouva aussi une réponse : quelqu'un des environs avait dû faire de ce lieu abandonné un poulailler, ou peut-être qu'une poule égarée y avait mis ses poussins à l'abri. Il brandit l'allumette vers le coin sombre et resta immobile, le souffle coupé, comme électrocuté. Cette fois, ses cheveux se dressent vraiment sur la tête : dans le coin, une grande poule dorée appelle ses douze poussins, eux aussi dorés !

Il faut savoir que selon une vieille légende de Maremme, tous les cent ans ou plus, pendant une nuit d'orage, une poule d'or sort d'une mystérieuse cachette près de San Rabano avec ses douze poussins d'or : celui qui, en la voyant, aura le courage de la suivre et de subir les terribles épreuves qui l'attendent, trouvera le trésor qui y est caché. "Le grand-père de ton grand-père a trouvé cette fortune, lui avait dit sa grand-mère, mais il l'a laissée échapper à cause de quatre fantômes qui se sont mis en travers de son chemin. Et en plus, il est rentré chez lui avec les cheveux tout blancs et les yeux comme un vieillard".

Unpeu plus loin, sur les falaises de Cala di Forno, la mer hurle comme une folle. Ce chat et ce frère étaient donc des fantômes qui voulaient l'empêcher de s'approcher de la tour pour protéger la poule mystérieuse. Tandis que ces pensées lui traversaient l'esprit comme des éclairs, la poule, convoquant les petits, se mettait en route lentement. Puis, de plus en plus déterminée, elle s'aventura à découvert jusqu'à atteindre l'éperon d'un rocher près d'un épais buisson. Le jeune homme la suit : il ne se laissera pas abattre par la peur comme son grand-père. Il retrouvera le trésor.

La pouleet les poussins disparurent dans un creux du rocher. Le jeune homme les suivit dans l'étroit passage. Il marcha si longtemps qu'il perdit la notion du temps. Soudain, un souffle glacé l'arrêta à l'entrée d'une grotte noire et profonde. Des bruits étranges provenaient de l'intérieur et se rapprochaient de plus en plus. Soudain, quelque chose de froid le toucha et une lueur révéla une scène incroyable : la caverne était immense et remplie de coffres d'où émanait une lueur qui illuminait l'obscurité : des diamants scintillants, des rubis, des émeraudes, des perles et des pièces d'or et d'argent.

À côté de chaque coffre se trouvait un gardien diabolique : moines, chevaliers en armure, pirates. Au-dessus de l'un des coffres, le chat noir souffle de manière menaçante ; la silhouette du frère rencontré sur le chemin se distingue de celle des autres frères par un étrange couvre-chef qui ne repose sur aucune tête ! Au milieu, entourée de ses poussins, se trouvait la poule d'or. Tous se mirent alors à avancer vers le jeune homme et à l'entourer. La poule lui donnait des coups de bec féroces, le chat le griffait tandis que les fantômes le maintenaient au sol. Au prix d'un effort considérable, le jeune homme se dégagea et, avec un cri sauvage, s'élança vers l'ouverture. Il courut, courut dans le long couloir jusqu'à ce qu'il débouche à l'air libre, mais là, ses forces l'abandonnèrent et il tomba sans connaissance.

Lorsqu'il reprit conscience, le soleil était haut. Le garçon regarde autour de lui, incrédule, mais rien ne ressemble au scénario infernal de la nuit dernière. Avait-il peut-être fait un rêve horrible ? Mais le tas de bois préparé pour le feu était bien réel, tout comme les coups de bec de la poule et les griffures du chat noir, qui le faisaient encore souffrir. Il reconnut le coin d'où il avait vu sortir la poule d'or mais ne retrouva pas le creux dans lequel il l'avait suivie. Il en était de même pour le trésor. Il l'avait bien vu et avait aussi vu les gardiens féroces qui l'auraient tué s'il n'avait pas eu la force d'échapper à la malédiction.

Incrédule et effrayé, il reprit le chemin de la maison. Il était épuisé, mais heureux d'être en sécurité. Lorsqu'il arriva chez lui, sa grand-mère poussa un cri et fondit en larmes. Le jeune homme courut se regarder dans le miroir et fut stupéfait : que s'était-il passé ? Son épais toupet blond n'était plus qu'un amas de cheveux blancs, et dans ses yeux, qui n'avaient plus l'éclat de la jeunesse, se lisait la marque indélébile de cette terrible expérience.

Tous les cent ans, la poule d'or poursuit sa mystérieuse promenade et le trésor est toujours caché là, sur les collines de l'Uccellina.

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